Qu’appelle-t-on le « syndrome de Cushing » ?
On parle de « syndrome de Cushing » lorsqu’un patient présente un
ensemble de manifestations cliniques (symptômes et/ou signes) qui sont
apparues parce que son organisme a été soumis à un excès durable
d’hormones à action « glucocorticoïde ».
On verra qu’il y a plusieurs causes au syndrome de Cushing.
Dans tous les cas, en dehors du syndrome de Cushing
iatrogène (dû à un traitement par les « corticoïdes », voir plus loin), c’est une affection rare.
Qu’est-ce qu’une hormone à action « glucocorticoïde » ?
Il y a deux types d’hormones à action « glucocorticoïde » :
- une hormone naturelle, sécrétée par nos deux surrénales : le cortisol ;
- des hormones synthétiques (fabriquées chimiquement par les
compagnies pharmaceutiques), administrées dans de multiples maladies
(rhumatologiques, asthme, …) pour leur effet anti-inflammatoire. On les
appelle souvent des « corticoïdes de synthèse », tels le Cortancyl (ou
Prednisone), …et beaucoup d’autres.
Lorsque le cortisol est sécrété en excès par une ou deux surrénales, on parle de syndrome de Cushing
endogène.
L’administration prolongée de fortes doses de « corticoïdes de synthèse » peut entraîner un syndrome de Cushing
exogène ou
iatrogène (provoqué par le traitement).
Il y a donc plusieurs façons de développer un Syndrome de Cushing ?
Oui. Il y a plusieurs causes :
On a vu le rôle des corticoïdes de synthèse, qui sont une cause très
fréquente, mais en quelque sorte prévisible, voire attendue, de syndrome
de Cushing (
iatrogène).
Il y a aussi plusieurs circonstances pathologiques qui peuvent
survenir spontanément et être à l’origine d’une sécrétion excessive de
cortisol, par une ou deux surrénales, et donc entraîner un syndrome de
Cushing
endogène (c’est le seul dont nous parlerons dorénavant) :
- La sécrétion du cortisol est normalement contrôlée par une autre hormone, l’ACTH (Adreno Cortico-Tropic Hormone
ou hormone corticotrope), en provenance de l'hypophyse d’où elle est
sécrétée par des cellules spécialisées : les cellules corticotropes.
L’hypophyse est une glande endocrine située sous le cerveau et
contrôlant différentes fonctions hormonales. Il arrive qu’un adénome,
une tumeur bénigne, se développe dans l'hypophyse à partir de cellules
corticotropes (adénome corticotrope). L’ACTH est alors sécrétée en
excès, entraînant – automatiquement – une hypersécrétion parallèle de
cortisol par les deux surrénales qui deviennent elles-mêmes
hypertrophiées (ou hyperplasiques).
Cette situation correspond à ce qu’on appelle la maladie de Cushing.
- Il arrive que des tumeurs, développées en dehors de l’hypophyse, se
mettent à sécréter de l’ACTH. En conséquence directe, les deux
surrénales vont sécréter un excès de cortisol. Le plus souvent, il
s’agit de tumeurs retrouvées dans le poumon, qui peuvent être bénignes
ou malignes. Cette situation correspond à ce qu’on appelle le syndrome de Cushing par sécrétion ectopique d’ACTH (ou syndrome de Cushing paranéoplasique).
- Enfin, des tumeurs de la surrénale peuvent
se développer spontanément et sécréter un excès de cortisol. Ces
tumeurs sont le plus souvent unilatérales, et bénignes (adénomes).
Certaines sont malignes (corticosurrénalomes).
Quelle différence y a-t-il entre « syndrome de Cushing » et « maladie de Cushing » ?
On vient de voir qu’il y a trois grandes causes de syndrome de Cushing endogène.
La première cause, qui a été découverte au début du siècle dernier
par un neurochirurgien américain nommé Harvey Cushing, est celle
correspondant à l’adénome corticotrope hypophysaire.
On a donc donné à cette cause particulière, et on le sait aujourd’hui, la plus fréquente, le nom de « maladie de Cushing ».
Les deux autres causes du syndrome de Cushing (sécrétion ectopique
d’ACTH et tumeurs surrénaliennes) ont été décrites plus tard. On ne leur
a pas donné de nom propre…
Cette nomenclature, un peu malheureuse, est souvent une source de
confusion : retenons, très simplement, que la « maladie de Cushing » est
une des trois causes possibles du « syndrome de Cushing ».
Quand doit-on suspecter la survenue d’un syndrome de Cushing ?
On évoquera naturellement l’existence d’un syndrome de Cushing
lorsqu’un patient présente les manifestations cliniques provoquées par
une exposition prolongée à un excès de glucocorticoïdes.
Ces manifestations sont nombreuses et variées.
Deux des signes les plus caractéristiques et les plus constants sont
la prise de poids et la modification morphologique (changement
d’apparence) du patient : une anomalie de répartition des graisses
entraîne ce que l’on appelle l’obésité facio-tronculaire (l’obésité est
localisée à la partie haute du corps, au niveau du tronc et en
particulier du visage qui devient arrondi, bouffi, et rouge). Cette
anomalie est « acquise » (elle est apparue récemment), et il est
important de l’authentifier par la comparaison avec des photos
antérieures.
Beaucoup d’autres manifestations cliniques peuvent être associées :
- Amincissement de la peau, avec des vergetures souvent pourpres et
larges sur le ventre, des ecchymoses (bleus, souvent sur les membres)
traduisant la fragilité vasculaire, des retards à la cicatrisation des
plaies et/ou des ulcères, des mycoses (infections par des champignons)
unguéales (au niveau des ongles) et/ou cutanées (au niveau de la peau)
et/ ou muqueuses (comme une mycose vaginale)
- Fatigabilité musculaire (difficulté à se relever, à monter les escaliers,… par perte de force dans les cuisses)
- Ostéoporose, fractures (tassements vertébraux, fractures « de fatigue » des pieds, fractures de côtes,…)
- Hypertension artérielle, diabète, dyslipidémie (excès de cholestérol et/ou de triglycérides)
- Tendance aux infections
- Tendance aux thromboses veineuses (phlébites, embolie pulmonaire) (caillot de sang dans une veine)
- Troubles du système nerveux central : troubles du sommeil, anxiété,
confusion, difficultés de concentration, perte de mémoire, dépression, …
- Diminution de l’activité sexuelle chez l’homme
- Acné, hirsutisme (augmentation de la pilosité), troubles des règles, infertilité chez la femme
Toutes ces manifestations ne sont pas toujours présentes en même temps, et leur distribution varie d’un patient à l’autre.
La plupart de ces manifestations sont de fait très banales
(hypertension artérielle, diabète, ostéoporose, troubles psychiques…) et
leur présence ne permet en aucun cas de porter le diagnostic de
syndrome de Cushing. En réalité, la très grande majorité des patients
qui consultent pour ce genre de manifestation… n’ont pas de syndrome de
Cushing.
A contrario il serait dramatique de passer à coté d’un
véritable syndrome de Cushing : c’est toute la difficulté pour le
médecin, singulièrement pour le non-spécialiste, et cela explique que
beaucoup de diagnostics soient portés tardivement.
Le syndrome de Cushing est-il une affection grave ?
La réponse est oui …et non !
Il faut considérer
a priori que le syndrome de Cushing est
une affection sérieuse qui peut menacer le pronostic vital (fait courir
un risque mortel). Plusieurs éléments contribuent à cette gravité :
- Il s’agit d’une affection rare, dont la reconnaissance est souvent tardive.
- Chacune des manifestations du syndrome de Cushing porte en puissance
des risques de complications dramatiques (cardiaques, vasculaires,
infectieuses, psychiatriques, …).
- Enfin, rarement le syndrome de Cushing peut être secondaire à des
tumeurs malignes : cancer du poumon avec sécrétion ectopique d’ACTH ou
cancer de la surrénale. Dans ces deux situations, le risque tient autant
à la nature cancéreuse de la tumeur responsable qu’à l’hypersécrétion
de cortisol.
Toutefois, dans la majorité des cas, le syndrome de Cushing est dû à
des lésions bénignes, et peut être traité de façon très efficace, voire
guéri définitivement.
Que faire quand on soupçonne un syndrome de Cushing ?
Il faut bien sur consulter son médecin généraliste, qui vous
orientera vers un médecin spécialiste (endocrinologue), soit d’emblée,
soit après avoir pratiqué quelques examens simples permettant de montrer
un excès de cortisol.
Quels sont les examens pratiqués ?
Les examens sont souvent effectués en deux étapes :
-
Il faut d’abord confirmer l’hypersécrétion de cortisol. Cela se fait
par des prises de sang, des recueils de salive ou d’urine, et un test de
freinage (prise de sang et/ou recueil de salive ou d’urine après
administration orale de glucocorticoïdes de synthèse).
- La deuxième étape consiste à rechercher la cause de l’hypersécrétion
de cortisol. Elle est souvent plus délicate, réclamant toujours des
tests dynamiques (prises de sang répétées après administration orale ou
intraveineuse d’un produit pharmacologique) et des imageries
performantes (IRM hypophysaire, scanner thoraco-abdominopelvien ou
surrénalien, voire cathétérisme des sinus pétreux inférieurs, ou encore
des scintigraphies...).
Il est crucial que ces examens soient pratiqués et interprétés par
des spécialistes – endocrinologues – connaissant parfaitement le
syndrome de Cushing. Leur réalisation optimale fait appel à une équipe
multidisciplinaire (endocrinologue, biologiste hormonal, radiologue ou
médecin nucléaire) qui ne peut être réunie qu’au sein d’un Centre de
Référence ou de Compétence, presque toujours dans un Centre Hospitalier
Universitaire.
Certains de ces examens peuvent être faits en externe, ou en hôpital
de jour. Il est souvent nécessaire, toutefois, d’hospitaliser le patient
: soit parce que le syndrome de Cushing est sévère, soit parce qu’il
faut faire des investigations assez sophistiquées (tests dynamiques,
imageries), surtout dans la deuxième étape diagnostique. Le rôle d’un
personnel infirmier spécialisé est également crucial.
Qu’est-ce que le cathétérisme des sinus pétreux inférieurs ?
Il s’agit d’un examen d’exploration que l’on peut être amené à
pratiquer dans des situations particulières, quand le diagnostic n’est
pas évident : on peut en effet hésiter entre le diagnostic de « maladie
de Cushing » et celui de sécrétion ectopique d’ACTH. Il est crucial de
bien distinguer ces deux causes de syndrome de Cushing, pour éviter des
gestes thérapeutiques intempestifs : il serait en effet très regrettable
d’entreprendre une chirurgie hypophysaire… alors que la sécrétion
d’ACTH est en réalité… ectopique (non-hypophysaire).
Le cathétérisme des sinus pétreux inférieurs est un examen qui nous
aide à distinguer ces deux causes. Il est très performant (il permet de
trancher dans presque tous les cas), mais il est considéré comme un
examen agressif. On ne le pratique donc qu’en dernier recours.
L’examen consiste à monter des sondes (cathéters) jusque dans les
veines qui drainent l’hypophyse (sinus pétreux), c'est-à-dire dans la
tête, à la base du cerveau. Les cathéters sont introduits par ponction
(piqûre) d’une veine fémorale (au pli de l’aine), et remontés jusqu’aux
sinus pétreux inférieurs. On peut ainsi prélever du sang pratiquement au
contact de l’hypophyse de façon à y mesurer la concentration d’ACTH. Au
cours de ce test, on est le plus souvent amené à injecter par voie
intraveineuse une ampoule de CRH (hormone contrôlant l’hypophyse) pour
stimuler la sécrétion d’ACTH. Ce test se fait souvent sous anesthésie
générale et nécessite une courte hospitalisation.
Il s’agit donc d’un test lourd qui n’entraîne pratiquement jamais de
complications lorsqu’il est effectué par une équipe entraînée.
En
tout état de cause ce test, pour son indication comme pour sa
réalisation, doit être réservé aux Centres de Référence et Centres de
Compétence.
Comment soigne-t-on le syndrome de Cushing ?
Le but est de supprimer la cause.
C’est parfois très facile, c’est parfois plus difficile !
Quelles sont les situations faciles ?
Quand le syndrome de Cushing est dû à un adénome de la surrénale, la
guérison immédiate et définitive (sans risque de récidive) est obtenue
dans tous les cas. Il suffit en effet de retirer, le plus souvent par
chirurgie coelioscopique ou vidéochirurgie, la surrénale malade
(surrénalectomie unilatérale).
Quand le syndrome de Cushing est dû à une « maladie de Cushing », le
plus souvent la guérison peut être obtenue par l’ablation de l’adénome
hypophysaire corticotrope. Cela se
fait par un geste chirurgical
délicat, mais peu traumatisant dont les complications sont très rares :
la chirurgie transsphénoïdale.
Quelles sont les situations difficiles ?
Quand le syndrome de Cushing est dû à une maladie de Cushing, il
n’est pas toujours facile de pratiquer l’ablation de l’adénome
hypophysaire responsable : soit parce qu’il est très petit (le
chirurgien ne trouve pas l’adénome), soit à l’inverse, parce qu’il est
volumineux, voire invasif (le chirurgien trouve l’adénome mais ne peut
pas le retirer en totalité). Dans ces deux cas, la chirurgie
transsphénoïdale peut être un échec. Il peut également arriver qu’une
ablation partielle de l’adénome s’accompagne d’une rémission de la
maladie dans un premier temps, et d’une récidive dans les années
suivantes.
Il est donc très important de maintenir une surveillance de tous les patients opérés.
Quand le syndrome de Cushing est dû à une tumeur avec sécrétion ectopique d’ACTH, on peut rencontrer deux types de difficultés :
-
Certaines de ces tumeurs sont de très petite taille (quelques
millimètres) et il peut être impossible de les localiser, même avec les
moyens d’imagerie les plus modernes.
- Certaines de ces tumeurs sont des cancers avec un pronostic sévère.
Quand le syndrome de Cushing est dû à une tumeur de la surrénale, il
s’agit parfois d’un cancer (corticosurrénalome). Ce type de cancer est
malheureusement assez agressif et les meilleures chances de guérison
dépendent d’une chirurgie à un stade précoce (quand la tumeur est encore
petite, localisée, sans métastase). D’où l’importance d’un diagnostic
rapide.
Comment se passe une surrénalectomie ?
Surrénalectomie veut dire ablation chirurgicale d’une surrénale.
Les progrès récents de la chirurgie font que cette opération se pratique maintenant pratiquement toujours par
coeliochirurgie ou
vidéoscopie
: au lieu de faire une large ouverture du ventre, le chirurgien utilise
des trocarts et une caméra de sorte que seulement une série d’orifices
sont pratiqués dans le ventre (quatre à cinq). Les avantages sont
importants pour le patient : les suites post-opératoires sont plus
simples, et il n’y a pratiquement pas de cicatrice.
Cette chirurgie est faite sous anesthésie générale, dans des centres spécialisés.
De plus amples informations sur la chirurgie surrénalienne
laparoscopique figurent dans le document téléchargeable en bas de page.
Comment se passe une chirurgie transsphénoidale ?
La « voie » transsphénoidale indique le chemin emprunté par le
chirurgien pour atteindre l’hypophyse afin de retirer l’adénome
responsable de la maladie de Cushing.
Le chirurgien passe par les cavités nasales, de telle sorte qu’il
atteint la face antérieure de l’hypophyse, sans passer par le cerveau.
Pour ce faire, soit il procède à une incision sous labiale (sous la
lèvre supérieure), soit il passe par une narine. L’opération, sous
anesthésie générale, dure environ une heure, voire moins. Le chirurgien
s’aide d’un microscope ou d’un endoscope pour avoir une meilleure
visibilité de la surface de la glande. Il peut alors pratiquer une
hypophysectomie partielle emportant l’adénome. Dans tous les cas cette
chirurgie ne laisse aucune cicatrice…
Idéalement, le chirurgien enlève l’adénome de façon sélective (en
respectant le reste de l’hypophyse). Lorsque l’adénome n’est pas
visualisé pendant l’intervention, le chirurgien peut être amené à faire
une hypophysectomie partielle qui va de l’hémi-hypophysectomie emportant
une moitié latérale de l’hypophyse ou encore les 2 tiers inférieurs de
l’hypophyse à une hypophysectomie totale.
Bien entendu la chirurgie hypophysaire doit être faite, elle aussi, dans des centres spécialisés.
De plus amples informations sur la chirurgie des adénomes corticotropes figurent dans le document téléchargeable en bas de page.
Y a-t’il des traitements médicamenteux ?
Nous avons vu que le traitement idéal du syndrome de Cushing est de
pouvoir utiliser la chirurgie pour supprimer la cause, puisqu’il s’agit
toujours d’une lésion tumorale.
Nous avons vu aussi que cette option n’est pas toujours possible,
n’est pas toujours efficace, et que des récidives sont possibles. Dans
ces cas on peut utiliser différents types de médications. On est parfois
amené à utiliser ces traitements pour « préparer » le patient à un
geste chirurgical (hypophysaire par exemple), lorsque ce dernier
présente un excès de cortisol sévère qui augmenterait le risque
opératoire.
Il existe plusieurs sortes de médications : certaines agissent
directement sur les surrénales pour bloquer la sécrétion de cortisol
(anticortisoliques) ; d’autres agissent sur la sécrétion d’ACTH ;
certains traitements sont utilisés pour leur pouvoir anti-tumoral, dans
les sécrétions ectopiques d’ACTH et les corticosurrénalomes : en
agissant sur la tumeur, ils peuvent également agir sur la sécrétion de
cortisol.
Les traitements anticortisoliques le plus souvent prescrites sont le
Nizoral (Kétoconazole), la métyrapone (Métopirone) et le Lysodren (Op’
DDD, Mitotane). La manipulation de ces médications réclame une bonne
expertise : il faut bien connaître leurs possibles effets secondaires
(intolérance), savoir qu’elles peuvent faire passer le patient de
l’excès de cortisol à l’insuffisance surrénale, adapter en conséquence
un traitement substitutif par… hydrocortisone, et éventuellement
fludrocortisone.
Certaines maladies de Cushing et sécrétions ectopiques d’ACTH
semblent sensibles à la cabergoline et/ou des analogues de la
somatostatine (drogues agissant sur la sécrétion d’ACTH).
Quand est-on amené à faire une surrénalectomie bilatérale ?
C’est une option que l’on prend parfois, quand les traitements
antérieurs on été inefficaces ou mal tolérés. C’est surtout le cas dans
la maladie de Cushing, lorsque le traitement chirurgical hypophysaire
s’avère impossible.
On pratique alors l’ablation simultanée des deux surrénales.
Bien sur, un tel traitement marche à tous les coups pour régler,
immédiatement, le problème de l’hypersécrétion de cortisol. Il a donc un
intérêt absolument majeur dans certaines situations difficiles. Mais il
a également deux types d’inconvénients :
- Il ne traite pas la cause ; il faudra donc rester vigilant : dans le
cas de la maladie de Cushing, en particulier, il faudra surveiller
l’hypophyse et le développement éventuel de l’adénome corticotrope.
- Il transforme immédiatement et définitivement le patient… en Addisonien (insuffisant surrénalien) !
Quand est-on amené à faire une radiothérapie hypophysaire ?
Ce traitement ne concerne que la maladie de Cushing.
On l’envisage en général lorsque la chirurgie transsphénoidale a été
un échec (adénome non retrouvé, ou seulement partiellement retiré) ou
est impossible (adénome trop volumineux ou invasif).
Le but de la radiothérapie est donc double :
- freiner le développement de l’adénome corticotrope ;
- freiner, parallèlement l’hypersécrétion d’ACTH, et donc, de cortisol.
On utilise le plus souvent ce qu’on appelle la radiothérapie
conventionnelle,
qui nécessite des séances répétées quotidiennement pendant quatre à six
semaines. Certains centres disposent de la radiothérapie
stéréotaxique (?-knife), qui permet de réaliser l’irradiation de façon très focalisée sur une petite tumeur, en une seule séance.
Dans les deux cas les traitements sont bien supportés mais sont le
plus souvent pleinement efficace avec un délai de plusieurs mois ou
années. Toute radiothérapie fait courir le risque de développer, au fil
des ans, une insuffisance hypophysaire.
Quand doit-on prendre un traitement substitutif ?
On a donc compris que certains choix de traitements pouvaient,
paradoxalement, mettre le patient en insuffisance surrénale. Cette
situation peut être définitive, ou transitoire :
Elle est définitive :
- lorsqu’on a été amené à pratiquer une surrénalectomie bilatérale
- lorsqu’une insuffisance hypophysaire s’installe chez un patient
ayant eu une radiothérapie hypophysaire ou une chirurgie hypophysaire
étendue ;
- parfois après la prise prolongée de Lysodren.
Elle est transitoire, et de durée variable dans d’autres circonstances :
- Après une chirurgie transsphénoidale réussie pour une maladie de
Cushing, la partie d’hypophyse restante (débarrassée de l’adénome) n’est
pas capable de reprendre immédiatement une sécrétion d’ACTH normale. En
effet celle-ci a été « freinée » pendant tout le temps qu’a duré
l’excès de sécrétion de cortisol avant la chirurgie. Cette période
d’insuffisance en ACTH peut persister pendant plusieurs mois, voire
plusieurs années.
- Après ablation d’une tumeur de la surrénale, de la même façon
l’hypophyse (indemne) n’est pas capable de reprendre immédiatement une
sécrétion d’ACTH normale. En effet celle-ci a été « freinée » pendant
tout le temps qu’a duré l’excès de sécrétion de cortisol avant la
chirurgie.
- Pendant un traitement par des médications « anticortisoliques » qui,
comme on l’a vu, peuvent mettre le patient en insuffisance surrénale.
Les manifestations cliniques du syndrome de Cushing sont-elles réversibles ?
Les manifestations du syndrome de Cushing sont au moins
partiellement, voire totalement, réversibles lorsque l’excès de
sécrétion de cortisol est aboli.
La disparition des anomalies morphologiques est quelquefois très
impressionnante et les patients sont véritablement « transformés »,
reprenant leur apparence normale en quelques mois.
De la même façon, les autres manifestations comme le diabète,
l’hypertension artérielle, les troubles psychiques, menstruels sont
corrigées ou nettement améliorées.
Certaines manifestations de l’hypersécrétion de cortisol régressent
de façon moins spectaculaire : des vergetures importantes peuvent
laisser des cicatrices durables, et lorsque l’ostéoporose a entraîné des
tassements vertébraux, la perte de taille est irréversible.
D’une façon générale, les manifestations d’un syndrome de Cushing
régressent d’autant mieux qu’elles sont modestes, récentes, et que le
patient est jeune.
C’est insister, encore une fois, sur l’importance d’un diagnostic précoce.
Le syndrome de Cushing peut-il être d’origine « génétique » ?
Le syndrome de Cushing est « sporadique » (non génétique), dans la presque totalité des cas.
Il existe toutefois des situations très exceptionnelles où le
syndrome de Cushing est d’origine génétique, avec possibilité de
transmission aux descendants :
- Certains syndromes de Cushing sont dus à une atteinte primitive
bilatérale des surrénales, appelée dysplasie micronodulaire pigmentée
des surrénales dont l’acronyme en anglais est « PPNAD » (Primary
Pigmented Nodular Adrenal Disease), elle-même due à une mutation du gène
codant pour PRKAR1A (sous unité régulatrice 1A de la protéine kinase A)
ou du gène codant pour PDE11A/8B. Il existe parfois des atteintes dans
d’autres organes (coeur, peau, …), et l’association de ces atteintes
s’appelle le complexe de Carney. Il est bien sur très important de le
reconnaître puisque le diagnostic génétique permettra de faire une
enquête familiale par une simple prise de sang.
- Certains patients présentent une maladie de Cushing associée à
d’autres dérèglements de glandes endocrines (pancréas, parathyroïde)
dans le cadre d’une Néoplasie Endocrine Multiple de type 1, due à la
mutation du gène Ménine.
- Certains patients ont une maladie de Cushing dans le cadre
d‘adénomes hypophysaires familiaux par mutation du gène AIP (Aryl
hydrocarbon receptor Interacting Protein).
- Une hyperplasie macronodulaire des surrénales (qui correspond à une
augmentation de volume importante et des nodules touchant les deux
surrénales) peut atteindre plusieurs personnes au sein d’une même
famille. Certains patients ont une hyperplasie macronodulaire des
surrénales en rapport avec des mutations du gène codant pour le
récepteur de l’ACTH ou du gène codant pour la phosphodiestérase 11A4 ou
du gène de la fumarate hydratase.
- Le syndrome de McCune Albright, qui est une cause rare de syndrome
de Cushing surrénalien, est lié à une mutation du gène codant pour la
sous unité alpha de la protéine Gs en mosaïque. Ce syndrome est
génétique mais non héréditaire, c'est-à-dire non transmissible.
Aspects psychologiques
Le syndrome de Cushing peut s’accompagner d’importants
retentissements psychiques. L’excès de cortisol a une action cérébrale
directe entraînant de nombreux désordres, parfois même psychiatriques.
La nature du désordre psychiatrique n’est pas prévisible, largement
fonction du terrain, mais les syndromes dépressifs sont les plus
fréquents, avec le risque non négligeable de suicide.
Le changement d’apparence – pas en mieux – du patiente atteint, est
difficile à supporter, auquel s’ajoute la frustration d’apprendre,
tardivement, que tout cela était bien dû à une véritable affection
organique, alors que trop souvent et trop longtemps la patiente s’était
fait dire, par son entourage ou par un médecin peu averti, que « tout
cela était dans sa tête » ou qu’une consommation excessive d’alcool
était en cause !
Syndrome de Cushing et fatigue
La fatigue est une manifestation très banale, qui n’a évidement aucun
caractère de spécificité (elle n’oriente pas vers une maladie
particulière).
Elle est souvent présente dans le syndrome de Cushing, en particulier
à cause de l’atteinte musculaire : l’amyotrophie (fonte des muscles)
entraîne une diminution de la force musculaire (certains patients ne
peuvent pas se relever de la position accroupie avec la seule force de
leurs cuisses).
L’atteinte psychique du syndrome de Cushing (dépression) peut entraîner une sensation d’épuisement.
Syndrome de Cushing et ostéoporose
L’ostéoporose fait partie des complications possibles du syndrome de
Cushing. Elle entraîne des douleurs osseuses, des tassements vertébraux,
avec parfois une perte de taille importante, des fractures
pathologiques (c'est-à-dire survenant pour des traumatismes légers,
après une marche prolongée ou même sans traumatisme).
Comme toutes les complications du syndrome de Cushing, elle peut en
être le signe révélateur. La rapidité du diagnostic reposera (en
l’occurrence) sur les connaissances… du rhumatologue.
La meilleure façon de traiter l’ostéoporose du syndrome de Cushing,
est de traiter le syndrome de Cushing ! On utilisera parfois aussi un
traitement vitamino-calcique, voire des biphosphonates.
Syndrome de Cushing et grossesse
Il arrive, de façon très rare, qu’on pose le diagnostic de syndrome de Cushing chez une femme enceinte.
Il faut s’assurer que la patiente n’est pas porteuse d’une tumeur
maligne (surrénalienne) qu’il faudrait alors traiter rapidement. Dans
les autres cas, on traitera le plus souvent de façon symptomatique les
manifestations de l’excès de sécrétion de cortisol (hypertension
artérielle, diabète) jusqu’à l’accouchement, de sorte que le traitement
chirurgical de la cause sera effectué secondairement, sans risque pour
le foetus.
Il n’y a pas de conséquence directe du syndrome de Cushing pour le
foetus car le cortisol ne passe pas à travers le placenta. Le foetus
peut par contre souffrir de l’hypertension artérielle et du diabète de
sa mère, avec des risques de naissance prématurée et de retard de
croissance intra-utérin.
La chirurgie transsphénoïdale pour la maladie de Cushing, l’ablation
d’une surrénale, voire la surrénalectomie bilatérale, ne posent aucun
problème pour d’éventuels désirs de grossesse ultérieure… au contraire.
Une contraception fiable est nécessaire chez une femme en période
d’activité génitale ayant un syndrome de Cushing non contrôlé ou après
traitement d’un corticosurrénalome ou d’une maladie de Cushing. Une
discussion préalable avec l’endocrinologue est indispensable avant de
mettre en route une grossesse chez une femme ayant été soignée pour un
syndrome de Cushing.
Qu’est-ce que le « syndrome de Nelson » ?
On parle de syndrome de Nelson (d’après le nom du médecin qui en a
fait les premières observations dans les années 50) lorsqu’apparaissent
des signes de progression d’un adénome corticotrope chez un patient avec
une maladie de Cushing, dans les suites d’une surrénalectomie
bilatérale. Ces signes sont une mélanodermie, secondaire à l’élévation
de l’ACTH plasmatique (exactement comme la mélanodermie dans la maladie
d’Addison), et l’apparition ou l’augmentation de l’adénome corticotrope.
Cette évolution s’observe aujourd’hui dans 3 0% des cas. Elle est
dépistée précocement par une surveillance attentive, et peut donc être
traitée efficacement (chirurgie et/ou radiothérapie).
Source: www.surrenales.com/syndrome-et-maladie-de-cushing